22 March 2018

Le Dieu manchot / José Saramago



Je m'explique encore mal comment il se fait que je n'aie pas entendu parler de cet auteur avant le mois dernier. Pour une fois, vive Instagram, car c'est là que j'ai aperçu la couverture de son The Elephant's Journey; j'ai voulu en savoir plus, et j'ai choisi un titre parmi ses plus anciens. Voici donc ma première incursion dans l'univers de l'écrivain portugais José Saramago, Prix Nobel de littérature (1998).

Plus qu'un roman historique campé à Lisbonne et dans les alentours au 18e siècle, Le Dieu manchot raconte la grande histoire d'amour entre deux êtres un peu à l'écart du monde. Baltazar, dit Sept-Soleils, a perdu sa main gauche sur un champ de bataille et, selon le besoin du moment, sangle un crochet ou une broche à son poignet; Blimunda, elle, voit dans les corps et sous la surface des choses lorsqu'elle a l'estomac vide. Signe du destin, leur rencontre a lieu sur la grande place du Rossio, alors même que la mère de Blimunda reçoit son châtiment pour hérésie.

Le cours de leur vie sera fortement marqué par deux projets majeurs. Sous la direction du Père Bartolomeu Lourenço de Gusmão, précurseur de l'aérostatique (et personnage réel), ils construisent en secret une grande machine volante en forme d'oiseau, la passarole.


«Figure de la Barque inventée en 1709 par Laurent de Gufman Chapelain du Roi de Portugal
pour s'élever et se diriger dans les Airs» (Bibliothèque nationale de France)

Balthazar trouve ensuite du travail sur le chantier mis sur pied par Dom João V, roi du Portugal, pour bâtir un monument cyclopéen à la fois couvent, basilique et palais royal, dont l'édification engloutira des sommes colossales et de nombreuses vies humaines (Cet édifice existe bel et bien, et est aujourd'hui appelé Palais national de Mafra.)

Malgré le sentiment de sécurité qui semble s'être installé au fil des années, Baltazar et Blimunda découvriront que rien ne demeure caché à jamais et que l'ombre de l'Inquisition plane toujours sur le Portugal.

Dès le départ, j'ai ressenti une impression de familiarité. Ce narrateur omnicient à la voix ironique, ces longues phrases érudites...  mais... on dirait Umberto Eco! (C'est loin d'être un défaut à mes yeux.) S'agirait-il d'une affaire de génération, les deux étant contemporains? Recherche faite, le seul point de rencontre entre ces auteurs semble être survenu dans Le Carnet, recueil de textes d'abord publiés sur le blogue de Saramago et duquel Eco signe la préface, où il démontre une connaissance affirmée de l'œuvre du Portugais.

Avant d'en prendre l'habitude, j'ai trouvé un peu difficile de m'y retrouver dans les phrases branchues et les dialogues en enfilade, dont les segments ou les répliques ne sont séparées que par des virgules et distinguées par des majuscule, phénomène apparemment typique du style saramagien.

Le Dieu manchot m'a beaucoup divertie. Saramago possède un don inouï pour maintenir l'intérêt, en veulent pour preuve les 26 pages où il raconte le déplacement d'une pierre gigantesque destinée à la construction du couvent... Je suis pourtant restée accrochée tout au long du périple, cœur palpitant et souffle coupé. Ça c'est du talent!

Petit fait amusant pour terminer : ce roman a été adapté en opéra, sous le titre Blimunda. Je serais curieuse d'assister à une représentation, surtout pour voir la passarole!



J'ai emprunté ce livre à ma bibliothèque locale.

Cote : ***

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