Une histoire est un labyrinthe sans fin de mots, d'images et de pensées réunis pour nous révéler la vérité invisible sur nous-mêmes. En définitive, une histoire est une conversation entre une personne qui raconte et une personne qui écoute. Or un narrateur ne peut conter que dans la mesure de ses capacités, et un lecteur ne lit que ce qui est déjà écrit dans son âme.
L'annonce faite il y a quelques années que la trilogie du Cimetière des livres oubliés allait devenir une tétralogie m'a remplie à la fois d'exaltation et d'appréhension. Cet intrus dans l'univers étrange et parfois cruel qui m'était si cher allait-il tout saboter? S'agirait-il seulement d'un roman au scénario faiblard, écrit et publié pour des motifs bassement mercantiles? J'attendais tout de même avec impatience la parution de la traduction française.
Vous devinez mon angoisse en entamant ce quatrième et dernier volume... Il s'avère cependant que toutes mes craintes étaient non fondées.
Je croyais naïvement que la trilogie formait un tout, que chaque trame avait été menée à sa conclusion. Chacune des trois parties du labyrinthe jusque-là dévoilées par l'auteur y ouvrait une porte d'entrée distincte — mais voilà qu'il révèle un pan encore insoupçonné du dédale.
Bien entendu, c'est un livre qui sert d'élément perturbateur. Cette fois il s'agit d'un volume d'une série interdite intitulée Le Labyrinthe des esprits, espèce d'Alice aux Enfers. Sa découverte dans le bureau de Mauricio Valls, écrivain acclamé, ministre de l'Éducation nationale et ancien directeur de la prison de Monjuïc (dont la seule mention donne des frissons à quiconque a lu les livres précédents) après la disparition de celui-ci lance l'énigmatique agente opérationnelle Alicia dans une enquête qui la ramène dans la Barcelone qu'elle a quittée depuis la guerre civile, où elle a subi de terribles blessures.
Afin d'éviter de révéler l'intrigue de l'ensemble du cycle du Cimetière, je m'abstiendrai de fournir de plus amples détails. Sachez seulement que, selon moi, l'auteur ne déçoit pas les fans de cette série et mène ce remarquable exercice littéraire à une conclusion tout à fait satisfaisante. J'ai retrouvé avec bonheur tous mes personnages préférés — l'inénarrable Fermín Romero de Torres et le grincheux Isaac Monfort — ainsi que ceux que j'aime détester, et j'ai rencontré quelques autres que j'ai appris à beaucoup aimer, dont Alicia. J'en ai appris un peu plus sur l'existence rocambolesque de Fermín (et dans quelles circonstances il est devenu accro aux Sugus). Et j'ai de nouveau été plongée dans l'atmosphère familière et paradoxalement réconfortante si brillamment créée par Carlos Ruiz Zafón. Oui, l'enchantement fonctionne encore!
(Point supplémentaire pour la première phrase et sa référence à Rebecca de Daphne Du Maurier.)
(Point supplémentaire pour la première phrase et sa référence à Rebecca de Daphne Du Maurier.)
Une seule déception : contrairement aux trois autres volumes, celui-ci n'a hélas pas été traduit par le maestro François Maspero, mort en 2015 (paix à son âme). La qualité de la traduction s'en ressent considérablement; je l'ai trouvée souvent bancale et maladroite, ce qui a quelque peu atténué mon plaisir de lectrice.
Les quatre romans qui forment le cycle du Cimetière des livres oubliés s'emboîtent si intimement qu'on peut en effectuer la lecture dans n'importe quel ordre. Bien que Le Labyrinthe des esprits soit le plus récemment publié, vous pouvez tout à fait commencer par celui-ci si le cœur vous en dit.
J'ai emprunté ce livre à ma bibliothèque locale.
Cote : *****
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